mercredi 17 septembre 2014

Madame Irma s’appelle Bart Maddens. Ou « rendre à César ce qui appartient à… »

Le 22 juillet dernier, Kris Peeters (CD&V) et Charles Michel (MR) ont été  chargés de former un gouvernement fédéral associant trois partis néerlandophones, la NV-A, le CD&V et le VLD, et un parti francophone, le MR.
Coalition inédite : jamais un gouvernement belge n’avait bénéficié d’un soutien aussi faible du côté francophone.
Pour rappel, le MR a obtenu en effet lors du dernier scrutin environ 25% des suffrages émis côté francophone, et 20 des 63 sièges mis en jeu en Wallonie et à Bruxelles.
Le seul parti francophone du futur attelage gouvernemental représentera par conséquent moins d’un quart du total des sièges qui le compose.

Coalition inédite, mais aussi inattendue, reconnaissons-le sans honte : pas un  seul observateur ou acteur de la vie politique belge n’avait imaginé le 25 mai au soir (voire même quelques jours après) une telle hypothèse, même sur le plan purement théorique.
Cette hypothèse paraissait d’ailleurs à ce point saugrenue lorsqu’elle commença à émerger qu’elle fut qualifiée en premier lieu de « kamikaze ». Et à l’initiative d’un journaliste flamand encore bien.

Personne ne l’avait imaginée avant le 25 mai dernier, comme tant l’ont écrit ? Vraiment personne ?  
Et bien non. Qui alors ? 
Un Belgicain bon teint, dans un spasme de nostalgie pour la Belgique unitaire de (grand-) papa ? Non.
Un membre du groupe « Pavia », regroupant les promoteurs de l’idée d’une circonscription électorale fédérale à l’échelle du Royaume ? Non plus.

Jean-Claude Van Damme, piégé par François l’embrouille ? Même pas.

Le seul, à notre connaissance, à avoir évoqué l’hypothèse d’une telle coalition, associant la NV-A, le CD&V et le VLD au seul MR côté francophone, s’appelle Bart Maddens.
Bart Maddens est un politologue de la KU Leuven, proche du « mouvement flamand », et résolument engagé depuis de nombreuses années en faveur de l’autonomie complète de la Flandre.
Il participe régulièrement au débat public dans les médias flamands mais aussi francophones, notamment à travers des chroniques régulières.
Même en se situant le plus souvent à l’opposé de ses opinions, il ne faut guère se faire violence pour admettre la qualité ainsi que l’honnêteté intellectuelle de ses interventions, de même que l’éclairage utile qu’elles offrent au débat démocratique.

Le 19 octobre 2010, le professeur Maddens se fendit d’une carte blanche dans le journal De Morgen, intitulée « Tijd voor een echt plan B ».
Écrite durant la crise politique qui suivit les élections anticipées de 2010, provoquées par la chute du Gouvernement Leterme sur « BHV », sa tribune ne se contentait pas de formuler le scénario d’une coalition « kamikaze » à titre de simple hypothèse intellectuelle.
Elle allait beaucoup plus loin.
Recommandant la mise en place d’une telle coalition, Maddens y voyait plus fondamentalement une stratégie alternative pour conduire le mouvement flamand au « confédéralisme ».
(Stratégie « alternative » : alternative aux négociations institutionnelles de l’époque, dont le résultat constaté par Maddens ne semblait pas à la hauteur de ses espérances.)

Sa tribune était introduite par le chapeau suivant :

« Pour mettre fin à l’impasse politique, Bart Maddens met une proposition nouvelle et radicale sur la table : un gouvernement fédéral dominé par les Flamands. Avec la NV-A, le CD&V, l’Open-VLD et le MR ».

Plus loin:
Zo een coalitie zou 75 van de 150 zetels hebben in de Kamer. Het zou volstaan dat één iemand van de oppositie zich onthoudt (denk aan Jean-Marie Dedecker of Laurent Louis van de PP) en de regering heeft een absolute meerderheid”.

Selon Maddens, le choix de cette stratégie (son “plan B”) aura pour effet de susciter à un sentiment croissant de minorisation des francophones au sein de la Belgique fédérale. Et de provoquer à terme le développement en Wallonie de fortes velléités d’autonomie et du confédéralisme.

Pour accéder à la tribune dans son intégralité :


Le MR avait-il (re)lu ce texte avant de prendre la décision de mettre en œuvre le « plan B » de Maddens visant à conduire la Belgique au confédéralisme ? Probablement pas.
A-t-il fait plutôt de la prose sans le savoir, comme le Bourgeois gentilhomme de Molière ?

Il est pour le moins amusant de constater que les défenseurs de la démarche du MR voient aujourd’hui, au contraire, dans la formation d’un attelage gouvernemental si déséquilibré, le signe d’une « maturité fédérale » retrouvée.
Sans pourtant jamais avoir plaidé en faveur d’une telle démarche avant le 25 mai 2014.

Alors rendons au moins à César ce qui est à César, et à Maddens ce qui est à Maddens : le brevet de paternité de la « kamikaze » lui revient, sa tribune datant d’il y a plus de trois ans et demi.
Loin d’un certain air du temps, et de la tentation de construire un argumentaire de justification  à posteriori.

 

 

 

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